LA PHRASE ANTIQUE DE LA SEMAINE

Chaque semaine Mme Leroy-Dournel, enseignante de lettres classiques au collège, nous propose une petite dose de latin ou de grec. Quelques mots expliqués et un peu de réflexion sur la vie, la mort, l’école, les relations humaines, et caetera.

Semaine du 14 octobre 2024 : « Otium »« loisir »

Cette semaine, le mot latin « otium », « loisir », parce que les vacances approchent et que l’on se projette avec impatience vers cette plage de temps libre, sans collège et sans emploi du temps strict. Le philosophe stoïcien Sénèque (4 avant J.-C.- 65 après J.-C.) fait l’apologie, dans un passage du De tranquillitate animi (Sur la tranquillité de l’esprit) de cet « otium ». 

          Pour comprendre cette notion, il est nécessaire de l’associer à son contraire, « negotium » – qui a donné en français les mots « négocier, négoce, négociation ». Stricto sensu – très exactement – « negotium » est la négation (« nec » signifie « ne… pas ») de l’ « otium ». Ce mot désigne, pour le traduire en français, une activité humaine qui n’a rien à voir avec les affaires en lien avec la justice, le commerce, la politique, la guerre ou le travail pénible. Ce qui est amusant, c’est que pour un Romain comme Sénèque, à la différence de notre perception moderne, ce ne sont pas les « vacances » qui sont une « absence de travail », mais c’est le « travail » – negotium – qui est l’absence de « loisir » – otium. Qu’est-ce qui est le plus important à leurs yeux ? Et aux nôtres ? 

          Il est difficile de ne pas associer ce que Sénèque dit de l’otium à ce qu’il dit ailleurs sur le temps : « Tempus tantum nostrum est », « Seul le temps nous appartient ». Un concentré de philosophie stoïcienne. Et pas n’importe quel « temps » : le passé est mort, l’avenir est incertain. Seul le temps présent et ce qu’on décide d’en faire nous appartiennent en propre. L’unique richesse. Or, à propos de l’otium, il explique qu’on ne peut pas rester performant sans repos, que même les plus puissants surchargés de responsabilités s’imposent de s’arrêter. « Qui veut voyager loin doit ménager sa monture ». Il compare le repos à un aliment réparateur. Il conseille de se promener dans la nature et de changer d’horizon. Il évoque le repas pris en prenant son temps et une limite plus souple imposée à la boisson « qui délivre l’âme de ses soucis » et « dispose l’intelligence à l’audace ». Voilà pour les adultes chargés de responsabilités. Et pour les élèves ? De quoi serait constitué un bon « otium » ? Alors que le mot « vacances » est associé à l’idée de « vide », celui d’ « otium » est rempli de « loisirs », « activités calmes », « repos ». Un temps qu’on emploie autrement. Garder aussi de la réflexion de Sénèque qu’il s’agit d’une respiration entre deux périodes d’effort. 

Texte de A. Leroy-Dournel (Lettres classiques).

Retrouvez la phrase antique de la semaine sur la radio du collège.

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